lʼart dʼescargoter
Toulouse et ses couleurs
Texte publié avec l'aimable autorisation d'Esprits nomades
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Toulouse est une ville marquée par les couleurs. Rose, rouge et noir, sang et or et bien d’autres palettes du ciel. Car Toulouse attire les couleurs du monde sur elle. Ville de passage, ville de brassage, ville de migrants et de réfugiés, mais aussi ville de traditions fortes jamais perdues et bien installées, avec sa bourgeoisie qui croit encore tirer les ficelles des couleurs actuelles et à venir. Ainsi une couleur dominante traîne encore sur la ville, la sienne, celle d’une rose très, très pâle, virant au bleu, mélange de centrisme mou issu de la démocratie chrétienne et de radical-socialisme épuisé dans ses banquets et ses mollesses.
Toulouse et la peau de ses couleurs
Mais Toulouse déploie sa palette de couleurs tout au long de son histoire. Toulouse, ville rose. Toulouse est aussi sanctifiée comme la ville rose.
Toulouse la rose qui a pour amant le socialisme, mais pour mari cette bourgeoisie prudente et frileuse et qui ne doit pas la satisfaire toutes les nuits, trop occupé à compter son or et ses emblèmes de pouvoir. Toulouse est une ville-femme. Et à ceux qui savent la reconnaître dans ses atours et ses parfums, elle révèle très vite son secret : ses sous-vêtements sont roses et, à la fois soumise et hautaine, elle les montre au soleil levant qui la déplie, au soleil couchant qui la borde. C’est dans ce long déploiement de la soierie rose de ses murs, que se mijotent les tremblements de ses nuits rouges et noires. C’est dans les portes cochères que se cachent les derniers mystères. Ainsi marchant dans ses parures de fête, jetant alentour ses scintillements et ses rubans, la ville est devenue rose, elle qui ne rougit pourtant pas facilement même sous l’outrage. Toulouse est donc définitivement ville rose, miroir aux mirages, aux yeux du mode. Rien ne peut ternir la carte postale.
Pourtant la couleur rose n’apparaît pas la plus évidente au promeneur, découvrant un urbanisme sans éthique et sans talent qui blesse cette ville. Mais que ceux qui n’ont jamais cru ou vu la peau rose de Toulouse nous jettent la première brique. Car les briques sont entrées dans Toulouse, et le rose est entré dans sa chair. Toulouse couleur pastel qui fit sa fortune et permit l’édification de ses hôtels particuliers où elle se cache parfois. Toulouse sang et or de l’Occitanie qui plante sa croix dans ses flancs et qui permet d’oublier le rouge des bûchers de l’Inquisition et des intolérances.
La couleur dominante, plus que le rose des briques des frontons et des places, semble être le rouge et le noir. Celui des habits des Capitouls qui l’ont autant fondé que les Romains, qui l’ont construite pour eux dans leurs hôtels très particuliers. Si particuliers que les cris des pauvres et des lépreux des bords de Garonne jamais ne venaient troubler leur sommeil.
Les couleurs profondes
D’autres traces de rouge sang circulent encore. Celui du sang des arènes jamais séché dans la mémoire des toulousains, et qui célèbre les noces du soleil et du Minotaure. Cette vengeance sacralisée contre les bêtes de l’horreur et des nuits qui nous hantaient jadis. Celui des Républicains espagnols qui n’ont plus que leurs histoires et les parties de dominos pour refaire l’histoire, encore une fois, encore une fois. Tiens pour une fois j’ai du jeu, tiens le camarade Gonzales est mort, tiens nos enfants ne nous reconnaissent plus. Celui des M.O.I (main-d’œuvre immigrée) et des FTI qui ont repeint les murs d’honneur de la ville avec le rouge étranger de leur sang contre tous les reniements.
Rouge et noir des drapeaux des contestations qui vont souvent fleurir les places, car Toulouse est une ville indocile et frondeuse, à contre-courant du pouvoir central et qui a la fièvre libertaire facile.
Ni Dieu, ni maître ? Si pourtant, ceux de l’Ovalie qui dans ses messes populaires retrouve la part sacrée de l’esprit de village dans ses folles mêlées. Car ici le rugby est la dernière histoire d’hommes admise sans remords, avec ses chocs de courage et ses chevauchées triomphantes mais aussi un immense pouvoir de réseau. Les mats de cocagne ont remplacé les mots de cocagne entre les gens. Rouge et noir du Stade Toulousain qui pavoise la ville tout entière, rouge et noir de guirlandes de fierté et de repli identitaire au risque d’intolérance.
Rouge et noir du sang de la ville. Toulouse débordante de couleurs. Toulouse et ses couleurs, pastel, rose, rouge et noir, couleurs fraternelles pour une ville fraternelle, celle qui vit dans les rues et les terrasses. Pas l’autre.