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La lusophonie

La lusophonie

On ne peut pas dire que le terme de lusophonie soit couramment utilisé aujourd’hui. Il n’est pourtant pas moins existant que la francophonie ou l’anglophonie. Le Petit Larousse donnera comme définition : Lusophone adj. ou n. De langue portugaise. Cela donne une idée bien précise et bien claire bien qu’un peu synthétique.



Evoquons maintenant la colonisation portugaise. Le Portugal a commencé la conquête du monde avant l’Espagne et la France, mais en compétition avec l’Italie. Au XVIe siècle, ce pays contrôlait déjà un immense empire dans l’océan Indien, le golfe Persique, les mers de Chine et du Japon.


Cet empire portugais s’est écroulé lors du rattachement du Portugal à la couronne d’Espagne (1580-1640), bien que l’expansion coloniale se soit poursuivie au Brésil au XVIIe siècle puis en Afrique au XIXe siècle (Angola, Mozambique, Guinée-Bissau, îles du Cap-Vert, iles de Sao Tomé et Principe). Des pays qui conservent encore aujourd’hui une part de culture lusophone. Même si on ne dénombre que deux pays où le portugais reste la langue maternelle de la grande majorité de la population, à savoir le Portugal et le Brésil.


Le Portugal compte 10,4 millions d’habitants, dont 96 % parlent le portugais. Les minorités de ce pays font usage du galicien et du romani (langue des gitans). Le Portugal possède par ailleurs deux archipels dans l’Atlantique, les Açores (244 000 h.) et l’île de Madère (258 000 h.), où tous les habitants parlent le portugais (langue maternelle).


Mais c’est grâce au Brésil que l’on peut compter un grand nombre de lusophones dans le monde car il a dépassé depuis longtemps la mère patrie par le nombre de ses locuteurs. En effet, 95 % des ces locuteurs sur 175 millions d’habitants parlent le portugais comme langue maternelle. Les minorités sont constituées principalement des Amérindiens (appelés Indiens) et des immigrants d’origine européenne.




Les véritables lusophones sont donc répartis seulement dans deux pays et comptent un peu plus de 180 millions de locuteurs.


Pour d’autres pays, le portugais constitue la langue seconde. Pour cinq pays d’Afrique, le portugais est utilisé comme langue officielle, qui correspond en ce cas à une langue seconde pour les habitants de ces pays et non pas une langue usuelle comme on pourrait le penser. Ce sont tous des anciennes colonies portugaises qui n’ont accédé à l’indépendance qu’après 1974: l’Angola (11,5 millions d’habitants), la Guinée-Bissau (1,1 million d’habitants), le Mozambique (17,4 millions d’habitants), les îles du Cap-Vert (369 000 habitants) et les îles de São-Tomé-et-Principe (130 000 habitants).


Comme la plupart des autres pays d’Afrique, les anciennes colonies portugaises étaient constituées de multiples ethnies. Toutefois, il a semblé plus économique et plus rentable de maintenir le portugais et de récupérer les structures d’enseignement mises en place par les Portugais. De plus, le portugais a servi d’instrument d’unité nationale (pas de facteur salvateur, soyons clair).


Cependant le maintien du portugais comme langue officielle dans ces cinq pays totalisant une population de plus de 30 millions de personnes n’a pas fait disparaître les langues nationales. L’administration de chacun de ces états utilise le portugais, on y enseigne cette langue dans les écoles, les médias sont diffusés en portugais mais aussi en plusieurs langues nationales.


Avec ses 11,5 millions d’habitants, l’Angola continue d’être le premier pays lusophone d’Afrique même si toute la population continue de faire usage de ses langues bantoues tout en ayant appris le portugais à l’école. Cette langue est moins présente au Mozambique (17,4 millions hab.), le second pays lusophone. En effet, l’emploi du portugais se développe au rythme des campagnes d’alphabétisation auprès d’une population essentiellement agricole et parlant des langues bantoues.


Les autres pays lusophones (Guinée-Bissau, îles du Cap-Vert et îles São-Tomé-et-Principe) sont habités par des populations parlant le créole. La Guinée-Bissau est un petit état de 1,1 million d’habitants coincé entre deux pays de langue française, le Sénégal et la Guinée. On y parle une vingtaine de langues différentes (peul, mandingue, balante, etc.) et le créole est utilisé comme langue véhiculaire au lieu du portugais, qui une langue des d’élites. Au large du Sénégal, les îles du Cap-Vert font usage du portugais comme langue officielle, mais le créole reste la langue maternelle des Capverdiens. Enfin, face au Gabon, l’archipel de São-Tomé-et-Principe comprend lui aussi une population essentiellement créolophone, avec le portugais comme langue officielle. Dans tous les pays lusophones d’Afrique, prédomine une très forte diglossie, sinon une triglossie généralisée: la langue maternelle est l’une des langues nationales; le portugais, celle de l’école; et le créole, l’idiome de communication avec les autres ethnies (Guinée-Bissau, Cap-Vert, São-Tomé-et-Principe).


Par ailleurs, les pays lusophones d’Afrique connaissent de sérieux problèmes de concurrence linguistique. Ce sont tous des pays enclavés par des états dont la langue officielle est l’anglais (pour l’Angola et le Mozambique) ou le français (Guinée-Bissau, Cap-Vert, São-Tomé-et-Principe). Il s’agit également de pays extrêmement pauvres et/ou en proie à des guerres civiles incessantes (Angola et Mozambique). Ce sont des facteurs qui ne favorisent guère l’expansion du portugais. D’ailleurs, dans les écoles secondaires, les gouvernements ont même d’y développer l’enseignement des langues secondes, l’anglais pour l’Angola et le Mozambique, le français pour la Guinée-Bissau, les îles du Cap-Vert et les îles de São Tomé e Principe. De plus, la Guinée-Bissau, le Cap-Vert et São Tomé e Principe entretiennent non seulement des liens culturels et économiques très importants avec leurs voisins francophones, mais ils font officiellement partie de la Francophonie et des Sommets francophones. Pour ces différentes raisons, l’avenir du portugais paraît peu assuré en Afrique, encore moins que celui de l’espagnol en Guinée équatoriale, ce qui n’est pas peu dire.


Enfin, le portugais s’est fait aussi une petite place en Asie. Il ne subsiste plus que quelques îlots vaguement lusophones de l’immense empire colonial asiatique du Portugal. Il s’agit, d’une part, des anciens territoires indiens de Goa, Damao et Diu, du comptoir de Melaka dans l’île de Java (Indonésie), d’autre part, des îles de la Sonde dans le Timor-Est ou Timor oriental et de l’enclave de Macao en Chine (face à Hong Kong). Depuis que l’Inde a repris par la force les anciens comptoirs portugais, le portugais y a disparu, car il n’est ni reconnu ni enseigné dans les écoles; seul le créole à base portugaise a subsisté.


En Indonésie, le gouvernement a, en 1975, annexé purement et simplement l’ancienne possession portugaise du Timor oriental (890 000 d’habitants) et a imposé l’indonésien comme langue officielle. Puis le Timor oriental est devenu, en 1999, un territoire sous l’administration provisoire des Nations Unies (UNTAET). En février 2000, les dirigeants timorais ont imposé le portugais comme langue officielle et le tétum comme langue nationale. Cependant, la réintroduction du portugais demeure problématique dans la mesure où cette langue n’est parlée aujourd’hui que par environ 10 % de la population (l’élite).


À Macao, un territoire chinois ayant déjà appartenu au Portugal, l’Administration continue de fonctionner en portugais dans cette enclave de 472 000 habitants bien que 95 % de la population parle la langue chinoise (cantonaise) ; l’anglais y est par ailleurs bien implanté comme langue commerciale. Bien que le portugais soit encore enseigné dans les écoles comme langue seconde, toute la vie sociale s’est toujours déroulée en chinois cantonais, puisque 95 % des Macanais parlent le cantonais comme langue maternelle. Macao demeurait un anachronisme, presque une curiosité historique disparue en 1999 lors de sa rétrocession de la Chine. Evidemment, le portugais conservera quelques prérogatives pendant quelque temps, notamment dans les écoles, comme langue étrangère. Néanmoins, le portugais est condamné en Asie, et sa situation préfigure peut-être son destin en Afrique.


Quant au Timor oriental, le cas est différent. Bien que le portugais ait été interdit sur l’île depuis 1976 par l’Indonésie, la langue de l’ancien colonisateur est devenue, contre toute attente, un instrument de combat de la part des Timorais qui désirent manifester ainsi leur différence et leur identité face aux Indonésiens. Il est à prévoir que, lorsque le Timor accèdera à l’indépendance, le portugais renaîtra de ses cendres dans l’île dévastée par la répression indonésienne. En février 2000, les dirigeants timorais ont imposé le portugais comme langue officielle et le tétum comme langue nationale. Mais pour combien de temps ? Nous l’ignorons! En Asie, le portugais semble condamné à long terme, même au Timor oriental où il n’est de toute manière parlé que par 10 % de la population (comme langue seconde), et sa situation préfigure donc peut-être aussi son destin en Afrique.


Après cette analyse peu réconfortante, nous sommes en droit de nous demander si la lusophonie à un avenir. Peut-elle constituer une nouvelle communauté internationale ? En 1996, le Portugal ainsi que six de ses anciennes colonies ont fondé la  ‘’Comunidade dos Paises de Lingua Portuguesa’’ (CPLP) ou la Communauté des pays de langue portugaise. Les pays membres sont les suivants: l’Angola, le Brésil, le Cap-Vert, la Guinée-Bissau, le Mozambique, le Portugal et Sao Tomé et Principe; le Timor oriental est admis à titre d’observateur.

Cette nouvelle communauté veut promouvoir la langue portugaise ainsi que la culture commune qui unit les pays membres. En outre, les pays lusophones désirent collaborer dans le domaine de l’éducation, mais chercheront aussi à renforcer les liens culturels, politiques et économiques.


Une démarche positive qui ne l’est pas tant dans les faits. En effet un conflit linguistique a déjà éclaté entre le Portugal et le Brésil car il a été décidé que la du portugais du Brésil serait reconnue comme la forme lusophone à enseigner dans le monde. Il est plus simple à apprendre et le Brésil se veut une puissance montante à influence mondiale. Ce qui n’est pas le cas du Portugal et ses habitants se sentent alors dévalorisés.


En clair, la lusophonie est loin de devenir une unité linguistique parfaite. Mais elle existe et gagne à être davantage reconnue et pourquoi pas, à être enseignée en France…

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