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  • Didier Vors

La Guerre franco-prussienne de 1870 : un héritage divers et multiple

La guerre de 1870 et ses conséquences

Elle opposa, du 19 juillet 1870 au 29 janvier 1871, le Second Empire français de Napoléon III au Royaume de Prusse de Bismark et aux autres États allemands, ses alliés. Ce conflit résulte de la volonté prussienne d'unifier l'Allemagne, qui était jusque-là une mosaïque d'États indépendants. Or depuis 1866, la France empêche les États du Sud de l'Allemagne de rejoindre la Confédération de l'Allemagne du Nord formée autour de la Prusse. Il faut donc faire sauter le verrou français.


La guerre de 1870 se termina par une défaite française qui eut pour conséquences la chute du Second Empire français et de l'empereur Napoléon III et la proclamation de la Troisième République, mais aussi la perte du territoire français de l'Alsace-Moselle. Pour l'Allemagne, c'est la consécration de l'unification allemande, commencée par Bismarck, et le point de départ de l'Empire allemand.


En France cette guerre, fut suivie de la tragique période de la Commune de Paris, où les insurgés refusaient à la fois la paix avec l'Allemagne et le nouveau gouvernement issu de la IIIème république sous tutelle royaliste.

Mais plus grave encore : ce conflit portait déjà en lui les germes des deux conflits mondiaux qui devaient déchirer le continent européen.



Diversité de l'héritage patrimonial

Les Monuments aux morts de la guerre de 1870 sont bien-sûr les témoignages les plus tangibles. Ils constituent les premiers exemples français de monuments rendant hommage aux Morts pour la Patrie, citant à égalité les hommes de troupe et les officiers.


Il existe des Monuments aux morts (cénotaphes), généralement érigés dans les cimetières, des monuments commémoratifs ou des tombes individuelles ou collectives de cette guerre dans quasiment tous les départements de la France métropolitaine, cependant, ils sont beaucoup plus nombreux dans l'Est et le Nord de la France, ainsi qu'en région parisienne.


Ils se présentent généralement sous la forme d'un socle supportant une œuvre d'art, d'un obélisque ou d'une stèle. La majorité de ces monuments sont implantés dans les cimetières. Ce qui explique en partie leur méconnaissance, n'étant pas comme leurs homologues des deux conflits mondiaux, érigés sur des places publiques.


En territoire allemand, il existe aussi au moins un Mémorial : le « Cimetière d'honneur » ou « Vallée d'honneur », situé dans le jardin franco-allemand de Sarrebrück, qui contient les sépultures de soldats tombés au combat des deux côtés, lors de la bataille de Forbach-Spicheren du 6 août 1870, inauguré le 16 octobre 1870.


"Ehrenfriedhof" au Jardin Franco-Allemand de Sarrebruck.

Mais aussi La Halle du Souvenir, un monument commémoratif de type mausolée en style néo-roman rhénan, élevé à la mémoire des combattants allemands de la guerre de 1870 à Gravelotte en Moselle.


Le cimetière militaire de Gravelotte

En Suisse, on dénombre plus d'une centaine de communes possédant un mémorial, une stèle, un carré militaire en rapport avec des morts français.


Fait assez remarquable, on compte aussi quelques Monuments aux morts dits "pacifistes", tel celui du cimetière du Père-Lachaise (Paris) réalisé par l'ancien combattant Albert Bartholomé ; il est inauguré en 1899 devant quelque 90 000 personnes. Un choix, par opposition sans doute à la grande majorité des monuments de l'époque qui prônaient plutôt l'esprit de revanche.



Monument aux morts Cimetière du Père Lachaise © Pierre-Yves Beaudouin

Autres témoignages architecturaux : le célèbre « Lion de Belfort » : un monument commémoratif en haut-relief situé à Belfort, au pied de la falaise de la citadelle. Œuvre du sculpteur alsacien Auguste Bartholdi, il rend hommage à la résistance de la ville assiégée par les Prussiens. Le Territoire de Belfort qui fête cette année le centenaire de sa création !


Sans oublier sa réplique plus massive : une sculpture en plaques de cuivre repoussé d'Auguste Bartholdi, située au centre de la place Denfert-Rochereau à Paris dans le 14e arrondissement. Réduite au tiers de sa taille initiale, elle symbolise la résistance du colonel Aristide Denfert-Rochereau durant le siège de la place forte de Belfort par les prussiens.


Enfin, subsistent les traces d'une frontière matérialisée par 4 056 bornes, posées sur notre territoire après la défaite de 1870. Elles marquent la limite des provinces perdues de l’Alsace-Lorraine. Ces bornes forment aujourd’hui comme une sorte de cicatrice intérieure.




Un héritage littéraire, artistique et langagier entre autres

Combien de collégiens et lycéens savent que l'un des plus fameux poèmes de la langue française « Le Dormeur du val », écrit par Arthur Rimbaud âgé de 16 ans à l'époque fait directement allusion à la guerre de 1870 ? Et plus particulièrement à la bataille de Sedan, scellant la défaite française le 3 septembre 1870, à moins de 20 kilomètres de Charleville, lieu de résidence du poète à l'époque. Voici les premiers vers :

« C'est un trou de verdure où chante une rivière,accrochant follement aux herbes des haillons d'argent ; où le soleil, de la montagne fière,luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, dort »

Cette scène, où un soldat mort au milieu d'une nature omniprésente et accueillante, suscite effectivement l'indignation de Rimbaud. Il est cependant peu probable que celui-ci ait réellement assisté à ce qu'il décrit. Dans ce contexte, Rimbaud a pu vouloir évoquer un déserteur exécuté, ou un soldat grièvement blessé dans les combats, venu mourir dans ce lieu idyllique.


De même que les enfants, reprenant en choeur une chanson de gestes, ignorent sans doute qu'elle évoque des combats dans le village éponyme en Alsace.

C'était un soir la bataille de Reichshoffen Il fallait voir les cavaliers charger. Attention cavaliers, chargez ! D’une main de deux mains d'un pied..

Sans oublier une petite séquence nostalgie pour les plus anciens d'entre nous, qui se souviendront peut-être de ces manuels d'histoire jaunis où l'on voit Léon Gambetta, figure politique emblématique, venant tout juste de proclamer la République, quitter Paris en ballon.



Et que dire de l'expression (il est vrai moins usitée maintenant) : "ça tombe comme à Gravelotte" aujourd'hui, employée lorsque la pluie tombe de façon très violente mais aussi lorsque divers événements, généralement non souhaités, se succèdent rapidement. Une expression courante à l'époque du nom d'une autre bataille célèbre où un véritable déluge d'obus prussiens s'abattirent sur l'armée française dans le village de Gravelotte !



Une double offre muséale

C'est précisément à Gravelotte que se trouve l'un des deux principaux musées consacrés à cette période de l'Histoire. Ouvert en 2014, il traite aussi de l'annexion de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine à l'Empire allemand (1871-1918). Il aborde sous un nouvel angle les questions soulevées par ce conflit : l'unité allemande, la vie pendant l'annexion, les tensions à l'approche de la Première Guerre mondiale...

Le musée est situé sur les lieux mêmes des combats d'août 1870, en face du monument commémoratif le plus important de la guerre de 1870 : la Halle du Souvenir.


Un peu plus surprenant de prime abord, quant à sa situation géographique – parce que plus éloigné du cœur du conflit : il existe un second musée d'importance situé au cœur de la Beauce, à Loigny-la-Bataille (région Centre-Val de Loire).


Entrée du musée de Loigny la bataille

La première partie historique est consacrée au déroulement de la guerre de 1870. Des rives du Rhin aux plaines de Beauce, le visiteur suit le parcours des armées françaises et prussiennes.


La deuxième partie s’intéresse aux mémoires personnelles, locales et nationales d’une guerre qui porte en elle les germes des deux conflits mondiaux du XXe siècle. Le parcours se termine par la visite de l'église commémorative de Loigny, de la crypte et de l’ossuaire, classés au titre des monuments historiques, qui accueillent les restes des corps de 1 260 victimes de la bataille.

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